Introduction
Alors
que nous nous trouvons submergés, par l'entremise de la publicité,
de rêves de liberté et de bonheur promis à l'achat
de ceci ou de cela, les écarts abyssaux entre les riches et les
pauvres se creusent, les relations internationales s'altèrent,
tandis que l'environnement se dégrade. Notre consommation, stimulée
par des opérations marketing sophistiquées, concourt à
l'essor d'une mondialisation faisant fi des impacts sociaux et environnementaux.
Dans ce contexte, l'éducation à la citoyenneté axée
sur la sensibilisation à une consommation responsable prend toute
sa pertinence.
L'adolescence, ce phénomène de la modernité, est
reconnue comme le moment crucial de la quête identitaire chez l'être
humain. Le vêtement, comme deuxième peau, constitue probablement
un signe extérieur explicite de cette identité. C'est pourquoi
nous avons choisi le vêtement, objet de consommation par excellence
de l'adolescent, comme thématique privilégiée.
De quoi j'ai l'air ? Qu'est-ce que je porte, qu'est-ce que je supporte
? invite les élèves à participer au développement
d’une société responsable. Pour ce faire, on s'attardera
ici à différentes notions de base concernant les modèles
de
production et d'échanges sur le plan international. En particulier
que signifient mondialisation et néolibéralisme ? Dans le
contexte actuel, qu'en est-il de l'industrie du vêtement ? Comment
s'implantèrent les zones franches et quels sont leurs impacts sur
le plan social et environnemental ? Et finalement, comment, en tant que
consommateurs, pouvons-nous agir sur le système actuel ?
Milton Friedman, économiste américain, fut le premier à
tracer les grandes lignes du néolibéralisme, doctrine à
la base de la mondialisation en cours. Inspiré par l'économiste
autrichien Frédérich von Hayek, fondateur de la Société
du Mont-Pèlerin(1) , Friedman formula la
doctrine selon laquelle le libre jeu de l'entreprise ne devrait pas être
entravé, voire même que l'état devrait participer
à son déploiement(2). Plusieurs stratégies ont concouru
jusqu’ici à faire du néolibéralisme la doctrine
prédominante dans le monde. Par exemple, les accords de libre-échange
ainsi que les programmes d'ajustement structurel (PAS), imposés
par le Fond Monétaire International (FMI) aux pays débiteurs,
contribuent grandement à son essor.
L'objectif
initial de la théorie de Friedman consistait à répartir
la richesse de manière plus équitable sur le plan international.
En effet, ce dernier croyait que les nouveaux emplois, générés
par l'implantation des multinationales dans les pays en développement,
augmenteraient le pouvoir d'achat de la population, ce qui aurait pour
effet de stimuler l'économie locale. Cependant, depuis les 25 dernières
années, soit depuis l’accélération du processus
de mondialisation actuelle, on assiste plutôt à des dépressions
profondes, une crise de la dette, la négation des autonomies nationales,
l'expansion de l'exclusion, l'augmentation de la dépendance des
pays du Sud envers les pays du Nord, une répartition des richesses
toujours plus inégale, ainsi qu'une détérioration
inquiétante de l'environnement.
Toujours
dans une optique d'épanouissement du néolibéralisme,
on a vu apparaître la mise en place de zones franches. Une zone
franche se définit comme un territoire où il est permis
d'importer des produits et de les transformer à des fins d'exportation,
et ce, sans avoir à payer de droits de douanes. Les pays en développement,
cherchant à tout prix à s’intégrer à
l'économie mondiale afin de se sortir du sous-développement,
invitent les multinationales à s’installer en leur offrant
non seulement des subventions, mais aussi d'alléchants
congés fiscaux. Les zones franches se sont multipliées,
il en existe aujourd'hui entre 850 et 1 000 dans 70 pays. Désormais,
la compétition est si féroce que les multinationales détiennent
le pouvoir de choisir où elles feront fabriquer leurs produits
et à quel prix. Pris au piège, les gouvernements tentent
d'attirer les investisseurs en leur offrant toujours davantage alors que
les salaires diminuent et les conditions de travail se détériorent.
Les
zones franches abritent ce que l’on appelle des «ateliers
de misère». Cette appellation fait référence
aux conditions de travail difficiles (longues heures, très bas
salaires, emploi d’enfants, aucun accès aux soins de santé,
précarité, dénégation du droit de s'organiser
en syndicat, etc.) que l’on impose aux employés. Que nos
vêtements proviennent de la Chine, de l’Inde, du Sri Lanka,
de Taiwan, du Mexique, du Bangladesh, de l'Indonésie ou d'ailleurs,
ils ont pour la plupart été fabriqués dans ces «ateliers
de misère» principalement par des femmes âgées
entre 14 et 24 ans.
Depuis
l’essor de la mondialisation des économies, de nombreuses
usines canadiennes de fabrication de vêtements furent délocalisées
en zone franche où la main-d'œuvre coûte de 10 à
30 fois moins cher. Il existe cependant une industrie canadienne du vêtement
composée de travailleurs en usine et de travailleurs à domicile.
Les premiers ont des droits défendus par un syndicat international
(SVTI) alors que les deuxièmes, payés à la pièce,
travaillent de longues heures, gagnent un salaire en deçà
du salaire minimum, vivent d’une façon précaire, ne
bénéficient d'aucune sécurité sociale, tout
en étant isolés des autres travailleurs.
Dans
le domaine de l'industrie du vêtement actuel, non seulement les
questions sociales ne sont pas considérées, mais l'environnement
est exploité le plus souvent au delà de sa capacité
de support. Monoculture du coton, teintures chimiques, tissus synthétiques,
tannerie de cuir sont autant de procédés qui contribuent
à polluer l'air, le sol et l'eau. Toujours dans l’espoir
d'attirer et de garder les multinationales sur leurs territoires, les
gouvernements jouent à l'autruche devant les désastres écologiques
que leurs activités engendrent.
Notre
consommation se situe à la base du système de production
et d'échange dans le commerce mondial. Il s'avère donc important
de se questionner sur les conséquences de nos choix de consommation.
«Puis-je me contenter d'un sort confortable quand je sais qu'il
dépend de l'exploitation»(3) d'une main d'œuvre bon
marché contribuant à l'asservissement de plus de la moitié
de la population mondiale pour répondre aux besoins de surconsommation
de l'autre moitié du globe ?
Le
matériel pédagogique De quoi j'ai l'air ? Qu'est-ce
que je porte, qu'est-ce que je supporte ? cherche à sensibiliser
les adolescents aux rapports Nord-Sud, particulièrement dans leur
relation consommation-production, et à les amener à énoncer
des stratégies de consommation responsable et des alternatives
à la consommation.
Ces
informations sont tirées de :
Histoire économique :
J. Claude St-Onge. L’imposture néolibérale, éd.
Écosociété, Montréal. 2000
Zone franche :
Naomi Klein. No logo : Taking Aim at the Brand Bullies, New York, St-Martin’s
Press, 2000 |